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enjeu

  • L’Italie dit considérer la Chine comme un partenaire stratégique

    L’Italie et la Chine doivent resserrer leurs liens, a déclaré le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi Di Maio.

    Luigi Di Maio, ministre italien des Affaires étrangères, s’est entretenu avec le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, qui entamait à Rome une tournée en Europe prévoyant des étapes aux Pays-Bas, en Norvège, en France et en Allemagne.

    En mars 2019, les gouvernements italien et chinois avaient signé un protocole d’accord «non contraignant» pour sceller l’entrée de l’Italie dans l’Initiative Ceinture et Route, correspondant aux nouvelles routes de la soie.

    L’Italie premier européen a avoir adhérer les routes de la soie

    L’Italie est devenue le premier pays membre d’Europe et du G7 à intégrer ce projet pharaonique d’infrastructures maritimes et terrestres lancé par la Chine en 2013. Au total, 29 contrats ou protocoles d’accords avaient été signés, portant selon le gouvernement italien sur «2,5 milliards d’euros et un potentiel total de 20 milliards».

    Les partenaires européens de l’Italie craignent que l’accord de la «Route de la soie» déstabilise les petits pays en les endettant et renforçant la puissance de la Chine, tout en lui donnant accès à des technologies clés.

    Or Luigi Di Maio a assuré que son entretien avec Wang Yi avait été « très fructueux » et qu’il avait notamment porté sur les moyens de « relancer (notre) partenariat stratégique du point de vue économique et industriel ».

    De son côté, Wang Yi a déclaré à la presse que la Chine et l’Union européenne devaient renforcer leurs relations et leur coopération dans la lutte contre le coronavirus. «Une Europe unie, stable et prospère est importante pour le monde entier», a ajouté devant la presse Wang Yi, qui souhaite «consolider» les relations entre l’UE et la Chine.

    La question de Hong Kong sur la table

    Lors de cette rencontre, la question de la situation à Hong Kong s’est invitée dans les débats bilatéraux, alors que le militant pro-démocratie hongkongais, Nathan Law, était présent ce 25 août à Rome pour demander au gouvernement italien de condamner les atteintes aux droits de l’Homme par la Chine.

    Nathan Law a rencontré une délégation de députés italiens, demandant à l’Italie de «condamner sévèrement» le bilan de la Chine en matière de droits de l’Homme. Le militant, qui s’est réfugié à Londres, a appelé à une «alliance forte» contre la Chine, ainsi qu’à des sanctions contre les fonctionnaires chinois responsables d’exactions contre la population ouïgoure de Chine.

    Devant la presse, Luigi Di Maio a jugé que «la stabilité et la prospérité de Hong Kong sont essentielles». Il faut aussi, selon lui, «protéger la grande autonomie de la ville et la protection des droits fondamentaux de ses habitants.»

    Pour sa part, Wang Yi, a noté que son homologue italien avait abordé le sujet dans un esprit de «non-ingérence». La Chine a adopté une loi sur la sécurité nationale à Hongkong «pour combler les lacunes qui existaient à Hong Kong depuis des années et combattre les actes de violence qui surviennent partout dans l’île», a rétorqué Wang Yi.

    Deux accords signés

    Luigi Di Maio a également annoncé avoir signé deux accords avec Wang Yi : l’un pour la fourniture de gaz naturel de Snam, le plus grand opérateur de gazoducs d’Europe, l’autre pour l’exportation de produits alimentaires «Made in Italy» vers la Chine.

    «À cela s’ajoutent d’importants partenariats dans le secteur de l’énergie et des transports», a précisé le ministre chinois lors d’une conférence de presse. Cette relation a souffert de «la provocation et des dommages infligés par des forces extérieures», a-t-il ajouté, sans mentionner les États-Unis.

    «La Chine ne veut pas d’une Guerre froide», de la part de pays regardant seulement «leur propres intérêts privés», a-t-il encore souligné, en jugeant que cela constituerait «un retour en arrière de l’histoire».

     Source : Chine Magazine

  • La Vie du Rail hebdo n°3793 : La Route de la Soie

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    Par : Yann Goubin

    S’inspirant du mythique itinéraire qui permettait de transporter des marchandises entre la Chine et l’Europe, le président Xi Jinping a (re)lancé, en 2013, la nouvelle route de la soie. Elle traverse l’Asie centrale et la Russie, par le fer et la route, afin d’exporter les marchandises produites dans l’est de la Chine très éloigné de la côte et des ports. Ce projet, historiquement parti de Chongqing, n’a cessé de se développer depuis, multipliant les villes de départs et les points de passage frontalier avec le Kazakhstan. Outil économique, c’est aussi un moyen pour la Chine d’étendre son influence jusque dans les pays européens en cofinançant les plateformes multimodales ou les lignes de chemin de fer.

    Le 24 juin, un train de marchandises est arrivé à Valenton. Il était parti de Nanchang, en Chine, le 5 juin, avec dans ses conteneurs, 40 millions de masques chirurgicaux et des équipements pour les personnels hospitaliers (gants, sacs hydrosolubles, distributeurs de gel sans contact, etc.).

    Ce train est l’un des exemples – celui-là était aussi symbolique par son chargement – de ce qu’il est convenu d’appeler la nouvelle route de la soie. Il s’agit d’un ambitieux projet (il est encore en devenir sur bien des aspects), voulu par les Chinois, notamment leur président, il y a une petite dizaine d’années. Il consiste à transporter des marchandises vers l’Europe, non par voie maritime comme c’est l’usage depuis quelques décennies entre ces deux continents, mais par voie terrestre, par la route, en construisant des axes modernes, et par le chemin de fer, avec quelques aménagements.

    Si l’arrivée de trains en provenance de Chine est devenue presque banale, c’est qu’elle se multiplie depuis quelques années.

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  • Le Myanmar désireux d’ouvrir les projets BRI aux étrangers

    par Dr. Sébastien Goulard

    Fin juillet, les autorités birmanes ont choisi de diviser certains appels d’offre concernant la construction de la nouvelle ville de Yangon, un projet de la BRI au Myanmar. Cette décision pourrait permettre à des entreprises étrangères, dont les Européennes de participer à la construction de cette nouvelle ville.

    Le Myanmar et la BRI

    De nombreux projets de la BRI devraient être poursuivis au Myanmar. Le corridor Economique Chine Myanmar qui reliera Kunming, capitale du Yunnan à l’océan indien est un segment important des nouvelles routes de la Soie ; il permettra ainsi de mieux connecter les régions du sud-ouest de la Chine au commerce mondial, tout en évitant le détroit de Malacca. Pour le Myanmar, la réalisation de ce corridor permettra de moderniser les infrastructures du pays alors que certains investisseurs étrangers hésitent à opérer dans le pays en raison de la crise des Rohingyas. Dans ce pays pendant longtemps confronté à des mouvements sécessionnistes, les projets de la BRI permettront de mieux connecter les régions entre-elles.

    Une forte présence chinoise

    La mise en place des projets BRI au Myanmar est la conséquence d’une forte participation de la Chine dans l’économie birmane ; ainsi la Chine est depuis 2018 le premier partenaire commercial du Myanmar, et l’un des principaux investisseurs. La BRI intervient au bon moment au Myanmar alors que le pays a entamé son ouverture économique.

    En janvier 2020, le président chinois Xi Jinping menait une visite officielle au Myanmar pour discuter de l’avancement des projets de la BRI et décidait avec les autorités birmanes d’accroître la coopération entre les deux pays. D’autre part, l’année 2020 devait marquer les relations sino-birmanes puisque 2020 était l’année du tourisme et de la culture entre le Myanmar et la Chine. Malheureusement, la crise de la Covid-19 a limité les festivités.

    La nouvelle ville de Yangon

    Au Myanmar, la réalisation de la BRI comporte plusieurs projets dont notamment celle du port de Kyaukpyu, sur le littoral occidental. Un autre programme concerne la création d’une ville nouvelle proche de l’ancienne capitale de Yangon. Yangon est aujourd’hui le principal centre économique du pays, mais avec l’ouverture du Myanmar, les infrastructures actuelles risquent de ne plus être suffisantes dans les prochaines années. C’est pourquoi les autorités ont lancé un projet d’aménagement sur l’autre rive de la rivière Yangon.

    Il s’agit d’un projet relativement ancien, lancé en 2014, mais qui a été révisé à de nombreuses reprises, en raison de ses coûts élevés et des possibles risques d’inondation. 

    Cette nouvelle ville devrait être un modèle de développement durable, avec une priorité donnée aux smart technologies. Elle devrait aussi être facilement connectée à Yangon.

    Sa construction doit être menée en deux phases. La première phase, d’une superficie de 90 km² devrait se terminer en 2025. Le seconde, beaucoup plus ambitieuses et comprenant un nouveau port devrait être achevée pour 2050. A terme, la nouvelle ville de Yangon devrait abriter plus de 1,5 million d’habitants et s’étendre sur une superficie deux fois supérieure à celle de Singapour.  Mais ce projet, très ambitieux demande du temps, c’est pourquoi les autorités birmanes ont décidé de le faire évoluer encore une fois.

    Le nouveau projet

    Le nouveau projet de ville devrait donc être divisé en différents programmes comme l’a annoncé le ministre des investissements U Thaung Tun lors d’une conférence qui s’est tenue le 29 juillet 2020. En 2018, la « New Yangon Development Company » (NYDC), une entreprise contrôlée par l’état signait un contrat de 1,5 milliard de dollars avec l’entreprise chinoise « China Communications Construction Company » (CCCC) concernant la construction et l’aménagement de la future zone.

    Le gouvernement birman n’a pas annulé cet accord, mais a choisi de diviser le projet, en créant des sous-projets qui seraient ouverts à d’autres entreprises suivant le principe du « défi suisse », c’est-à-dire qu’elles pourront remporter le marché si elles offrent de meilleures conditions que CCCC.

    Le premier sous-projet qui est estimé à environ 800 millions de dollars, inclut un parc industriel, un pont, et plusieurs zones commerciales et résidentielles. Le gouvernement birman a demandé à plusieurs cabinets de consultants internationaux de superviser l’organisation de ce défi suisse afin d’accroître la transparence de ce projet.

    Pour le directeur de la NYDC, Serge Pun, la construction de la nouvelle ville ainsi que celle des autres projets de la Bri devraient s’accélérer dans les prochains mois alors que dans ce contexte post-Covid19, le Myanmar aura besoin de créer de nouveaux emplois. C’est une des raisons pour lesquelles cette subdivision a été faite, pour ainsi construire rapidement une zone industrielle créatrice d’emplois.

    Une volonté d’ouverture

    Cette modification du projet de Yangon New City traduit aussi la volonté des autorités birmanes à ouvrir les projets BRI et à être plus transparents. En dehors de la nouvelle ville de Yangon, des entreprises asiatiques poursuivre leur expansion dans l’ancienne capitale. Ainsi début août, le japonais « Aeon Mall » a annoncé la construction prochaine d’un centre commercial géant à Yangon, ce qui traduit la confiance de cette entreprise dans l’économie birmane.

    Le développement économique de Yangon devrait pouvoir attirer de nombreuses entreprises étrangères dont européennes.

    Source OBOR -Europe

  • Les nouvelles routes de la soie : rêve chinois, cauchemar indien

    Se sentant – non sans raison – menacés d’encerclement à la fois commercial, géostratégique et militaire, les Indiens sont extrêmement suspicieux et craintifs vis-à-vis de l’initiative Belt and Road chinoise, qu’ils tentent de contrecarrer de diverses manières.

    Par Serge Granger / source Aérion 24 News

    Durant le premier forum Inde-Asie centrale tenu à Bichkek en juin 2012, le ministre des Affaires extérieures de l’Inde, Edappakath Ahamed, dévoilait la Connect Central Asia Policy en grande pompe. Quelques mois plus tard, l’annonce du projet de la nouvelle route de la soie par la Chine en 2013 et le déblocage de crédits nécessaires à sa réalisation en novembre 2016 indisposaient les Indiens. Affirmant de pas avoir été consultés, les Indiens sont toujours réfractaires à ce projet pour de multiples raisons.

     
     

    Dans le « Grand Jeu » pour la domination de l’Asie centrale, le pionnier de la géopolitique, Halford MacKinder, émettait la thèse que la domination terrestre du couloir euro-asiatique garantissait la domination du monde. Quarante ans plus tard, Spykman avançait l’idée que c’était la domination maritime sur les flux commerciaux qui garantissait la puissance. Plus récemment, une série de publications relisaient la thèse du Grand Jeu en y incluant la participation de l’Inde et de la Chine (1). Or, si l’Inde n’a que très peu d’emprise sur la route terrestre, la route maritime constitue pour elle un enjeu vital.

    Ainsi, plusieurs observateurs indiens perçoivent les routes de la soie comme étant la confirmation d’un désir de domination chinoise sur le corridor euro-asiatique qui encerclerait l’Inde, limitant sa capacité à bénéficier du commerce intercontinental. Plus grave encore, la croissance de l’influence politique de la Chine en Asie centrale menacerait la sécurité indienne. Pour Nirupama Rao, ex-ambassadeur de l’Inde en Chine et aux États-Unis, l’initiative des routes de la soie est même l’expression d’un hard power chinois croissant à la fois dans les mers asiatiques et en Asie continentale (2).

    Capter le flux commercial

    Sur terre

    Quels que soient les cartes et les plans des routes de la soie terrestres, on ne peut que constater que très peu de connectivité infrastructurelle est prévue avec l’Inde. Le corridor sino-pakistanais reliant Kashgar au port de Gwadar contourne l’Inde, alors que le corridor Bangladesh-Chine-Inde-Birmanie (BCIM) permet à la Chine d’atteindre la baie du Bengale par la Birmanie.

    Outre le pétrole et le gaz, les minerais importés par la Chine pourraient également utiliser le corridor sino-pakistanais. Dans cette perspective, la Chine a investi 3,5 milliards de dollars pour l’acquisition de la mine de cuivre d’Aynak, en Afghanistan, par la China Metallurgical Group Corporation, et pour la construction d’un chemin de fer reliant la province de Logar, au sud de Kaboul, à la ville-frontière pakistanaise de Torkham. En plus du gisement de cuivre, les Chinois sont intéressés par le fer et les mines d’or du pays. Le corridor répondra au manque d’infrastructures afghan et entre dans le cadre d’un projet plus vaste pour l’Asie centrale. La puissance économique de la Chine doit ainsi agir comme un aimant attirant les importations et laissant l’Inde et la Russie sur leur faim.

    La question de la connectivité entre l’Inde et l’Asie centrale (qui n’ont pas de frontière commune), revêt donc une importance primordiale. Or, pour rejoindre l’Asie centrale, l’itinéraire le plus court en partant d’Inde passe par le Pakistan et l’Afghanistan. Étant donné que l’hostilité du Pakistan envers l’Inde et sa coopération avec la Chine sont évidents, la connectivité terrestre avec l’Asie centrale reste problématique. Le peu de connectivité entre l’Inde et l’Asie centrale la forçait à se fier jusque-là malgré tout au transit pakistanais pour commercer avec l’Afghanistan, incapable de s’entendre avec le Pakistan sur un traité qui aurait permis des tarifs suffisamment bas pour ne pas pénaliser les importations et exportations de l’Afghanistan. L’ouverture en octobre 2017 du port iranien de Chabahar permet désormais à l’Inde de contourner le corridor sino-pakistanais tout en transitant par l’Iran et désenclave l’Afghanistan vers le sud. Cette nouvelle route, élaborée sans l’aide de capitaux chinois, non seulement sert à sécuriser les échanges commerciaux de l’Inde avec l’Afghanistan, mais elle mine aussi la capacité pakistanaise à faire monter les enchères pour tout transit sur son territoire (3).

    Pour contrecarrer les routes de la soie terrestres chinoises, l’Inde riposte également avec d’autres partenaires comme l’Iran et la Russie, qui projettent une route intermodale avec le projet North-South Transport Corridor reliant Mumbai à St-Petersbourg, via Téhéran et Bakou. Ce projet augmentera nécessairement le commerce bilatéral, anémique aujourd’hui (sauf dans le secteur de l’armement), entre l’Inde et la Russie. Également, le projet d’autoroute trilatérale Inde-Birmanie-Thaïlande permettra au Nord-Est de l’Inde, pratiquement enclavé, d’accéder à de nouvelles routes vers l’Asie du Sud-Est. Les routes indiennes vers le Sud-Est asiatique sont primordiales, car elles faciliteront les exportations indiennes qui plafonnent vers cette région.

    Sur mer

    L’océan Indien est loin d’être l’océan des Indiens. L’arrivée de la Chine en océan Indien indispose New Delhi, qui voit se multiplier des installations portuaires où battent les pavillons chinois. Gwadar au Pakistan est sans doute celui que craint le plus l’Inde : un port financé et géré par la Chine qui pourrait toujours abriter des destroyers chinois en cas de conflits maritimes ou de piraterie. En juillet 2017, les autorités srilankaises signaient avec Pékin une entente similaire à celle de Gwadar, pour ses installations portuaires de Hambantota. En décembre 2016, la Chine concluait une multitude d’ententes pour les ports du Bangladesh, d’une valeur de 21 milliards de dollars. Les contrats de construction des infrastructures portuaires transportant les hydrocarbures vers les raffineries de Chittagong furent octroyés aux Chinois en octobre 2017, confirmant l’emprise de la Chine dans le transport maritime des denrées qu’importent et exportent les voisins de l’Inde.

    Pour concurrencer les routes de la soie maritimes de la Chine, l’Inde et le Japon ont lancé l’Asia Africa Growth Corridor (AAGC) en novembre 2016. Ce projet vise à relier le Japon, l’Océanie, l’Asie du Sud-Est, l’Inde et l’Afrique, continent de plus en plus sino-centré. Le retard du projet Kaladan, en Birmanie, qui visait lui aussi à limiter la dépendance birmane envers les infrastructures proposées par la Chine, a poussé les autorités birmanes à octroyer aux Chinois l’exploitation et le transport par gazoducs des trillions de mètres cubes de gaz naturel au large de l’État de Rakhine vers le Yunnan.

    Dans les négociations

    D’un point de vue commercial, les routes de la soie favorisent la Chine dans le commerce euro-asiatique, puisque ces infrastructures est-ouest favorisent une croissance des exportations de biens, une force majeure du pays. Ces infrastructures permettront également à la Chine d’importer plus facilement des matières premières en les réexpédiant en produits finis. Pour l’Inde, cette concurrence accrue de la Chine met en péril le développement du parc industriel national, essentiel à la création d’emplois dans un pays peuplé de jeunes.

    En augmentant son interdépendance économique avec les pays traversés par les routes de la soie, la Chine accentue son influence au sein des négociations du Partenariat économique global régional (RCEP). S’il devient une réalité, le RCEP sera le plus grand accord commercial de libre-échange au monde, incluant plus de 45 % de la population mondiale, et premier accord de libre-échange entre la Chine et l’Inde. Alors qu’il en est à sa 20e ronde de négociations, la Chine impose sa vision en faveur de plus amples concessions sur les échanges de biens, et non de services comme le désire l’Inde. Initialement lancés par l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), il y a cinq ans, les pourparlers doivent se conclure bientôt et tout arrangement tarifaire risque de bénéficier à la Chine. L’Inde, jugée trop protectionniste par les autres parties au RCEP, devra abaisser ses tarifs douaniers. Mais, contrairement à la Chine, l’Inde compte une société civile vigilante et revendicatrice, qui peut défaire les gouvernements et remettre en cause le chemin de la libéralisation. Par exemple, c’est plus de 90 millions de paysans indiens qui arrondissent leurs fins de mois par la production laitière et une déréglementation de l’industrie occasionnerait de grandes manifestations paralysantes. Bien que majoritaire en ce moment, le gouvernement indien peut difficilement abandonner ses politiques protectrices, contraires à l’esprit du libre-échange. Il en va de même pour le secteur industriel, qui n’est tout simplement pas capable de rivaliser avec celui de la Chine, hormis quelques industries comme le textile ou la pharmaceutique. Avec une initiative des routes de la soie sino-centrée, l’Inde aura encore plus de difficultés à se joindre aux chaines de valeurs asiatiques.

    Inquiétudes géopolitiques

    Le programme de connectivité d’infrastructures accroitra aussi l’influence stratégique de la Chine dans les zones maritimes concernées par les nouvelles routes de la soie et qui comprennent l’océan Indien, les eaux de la baie du Bengale et la mer d’Oman. Cette activité chinoise inquiète l’Inde, acteur géopolitique prédominant dans cet espace maritime. Sa préoccupation principale est de savoir si les nouvelles infrastructures, liées à la Chine et financées par elle, seront utilisées à des fins militaires et stratégiques.

    Le gouvernement indien est également particulièrement inquiet au sujet du corridor sino-pakistanais qui comprend des projets sur le territoire cachemiri que l’Inde revendique. C’est pourquoi il a fait pression pour l’inclusion d’une disposition au sein de la Charte de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (censée financer certains projets de l’initiative des routes de la soie et dont elle est membre) selon laquelle, dorénavant, l’approbation unanime des projets financés en territoires contestés est requise. La localisation géographique du Pakistan coupe l’Inde d’un accès direct vers l’Afghanistan, alors que son emplacement stratégique permet à la Chine de contenir, ou du moins de remettre en cause, la montée en puissance d’une Inde comme puissance terrestre et maritime. En Asie du Sud, les réalités du « trois quart indien » (l’Inde représentant 75 % de la population, du PIB et du territoire régional) poussent les petits pays comme le Sri Lanka, la Birmanie et le Bangladesh à accueillir à bras ouverts la présence chinoise pour lui faire contrepoids. Et les différents ports de ces pays permettent à la Chine d’étaler son collier de perles en limitant la capacité indienne à contrôler l’océan Indien.

  • L'Humanité : Chine. Les Routes de la soie se cherchent un avenir

    Avec la crise et les craintes liées à la dette des pays, le projet phare de la Chine traverse une phase critique. Pékin entend amplifier les « routes sanitaires », lancées en 2017, pour regagner la confiance alors que les offensives des puissances occidentales se multiplient.

    Par Lina Sankari / L'Humanité

    Le nouveau coronavirus va-t-il confiner la Chine contre son gré ? À l’aune de la pandémie, les Nouvelles Routes de la soie, grand contre-projet de civilisation porté par le président Xi Jinping depuis 2013, ont – temporairement au moins – du plomb dans l’aile. Censée fédérer autour de l’idée d’un développement partagé, la Ceinture terrestre et maritime a du mal à ignorer la nouvelle donne créée par le Covid-19 : rupture des chaînes d’approvisionnement, restriction des voyages et contrôles stricts aux frontières… Déjà, les retards et les dépassements des coûts se font sentir sur les chantiers, et interrogent leur viabilité. « Les entreprises publiques centrales ont connu des retards dans les contrats en cours, une baisse des nouvelles commandes et des risques pour l’approvisionnement en matières premières », explique Xia Qingfeng, chef du service de publicité de la Commission d’État chinoise de supervision et d’administration des actifs.

     
     
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    Main-d’œuvre et monnaie

    Ainsi en va-t-il, en Indonésie, de la ligne ferroviaire à grande vitesse reliant Jakarta à Bandung, bâtie par un consortium sino-indonésien (Kereta Cepat Indonesia-China, Kcic). « La pandémie de Covid-19 a retardé la livraison de matériel importé de Chine. Les experts chinois ne sont pas encore revenus parce que les conditions ne sont pas encore favorables », confirme Chandra Dwiputra, président-directeur général de Kcic. Comme pour l’ensemble des projets en cours sur la Route de la soie, les restrictions imposées par la Chine ont empêché les 300 travailleurs – un cinquième de la main-d’œuvre du projet indonésien – de reprendre les travaux, qui doivent pourtant avancer. L’emploi d’ouvriers chinois plutôt que de travailleurs locaux est d’ailleurs l’une des critiques formulées à l’égard des Routes de la soie et pourrait aujourd’hui pousser Pékin dans ses contradictions.

    Vishnu Bahadur Singh, de la fédération népalaise de l’industrie hydroélectrique, admet que « beaucoup étaient des ouvriers spécialisés, difficiles à remplacer localement ». La défiance règne pourtant à leur égard, compliquant la reprise. « La plupart de nos collègues chinois veulent revenir, mais les employés locaux restent effrayés à l’idée de les côtoyer », concède un contremaître chinois à l’AFP. Le Bangladesh, lui, n’accorde plus aucun visa aux ressortissants chinois, mettant de fait en suspens la construction de la centrale électrique de la Bangladesh-China Power Company à Payra (Sud), qui emploie quelque 3 000 Chinois. Aux prémices de l’épidémie, en janvier et février, 39 000 ressortissants de la seconde puissance mondiale ont été envoyés à l’étranger, soit 29 000 de moins qu’en 2019 à la même période.

    Autre problème : celui de la baisse de la valeur des monnaies. Le gouvernement sri-lankais, qui avait donné son accord à plusieurs projets stratégiques qui permettaient à la Chine de s’insérer dans l’environnement proche du rival indien, a mis en œuvre une interdiction totale de l’importation de produits dits non essentiels afin d’endiguer le glissement de la roupie et préserver ses réserves de change. Les importations d’équipements et de machines de construction ont en conséquence subi un coup d’arrêt. Et de toucher ici à un autre problème soulevé par les Nouvelles Routes de la soie, celui de l’endettement pour des projets dont l’utilité est remise en question face aux besoins actuels des populations. Au Sri Lanka, c’est le cas du Colombo Financial District, une presqu’île artificielle qui doit abriter une cité financière internationale, une marina, des hôtels et enseignes de luxe et un casino, pour un coût total de 1,27 milliard d’euros.

    Formation, prévention, recherche

    Face à des pays au bord de l’insolvabilité, la crise du coronavirus pourrait ainsi relancer les interrogations autour des Routes de la soie, conçues comme un soutien à la croissance chinoise, un débouché pour ses entreprises et un relais hors de ses frontières.

    Plutôt que d’y mettre un frein définitif, les pays tiers devraient donc étudier avec davantage de précision la viabilité des projets, car le développement des infrastructures pourrait jouer un rôle de stimulus économique à l’échelle mondiale pour entamer la sortie de crise. Les dommages ne sont donc pas irréparables. D’autant que la Chine possède une capacité d’adaptation extrêmement rapide lorsqu’elle identifie un problème.

    Ainsi, aux critiques qui font valoir que les Routes de la soie ont permis de faire circuler le virus, Pékin répond qu’elles sont un projet multidimensionnel qui recèle une dimension de recherche et d’échanges universitaires capables de relever les futurs défis. Cette « route de la soie sanitaire » comprend, par exemple, un volet de formation en Indonésie et au Laos, de prévention des maladies infectieuses en Asie centrale et dans la sous-région du Mékong et, ailleurs, de dotation en équipements médicaux. En 2017, le Forum de la Ceinture et la Route pour la coopération internationale, et une réunion à haut niveau à laquelle participaient trente ministres de la Santé et dirigeants d’organisations internationales concrétisaient cette idée. Dix-sept protocoles d’accord y ont été signés avec des pays mais aussi des agences de l’ONU. Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, assure que « si nous voulons garantir la santé de milliards de personnes, nous devons saisir les opportunités offertes par l’initiative la Ceinture et la Route ». La crise actuelle, qui révèle les besoins criants d’infrastructures sanitaires dans certains pays, offre à la Chine une possibilité en ce sens. Et un moyen de regagner une confiance écornée.